Cet endroit du monde est vraiment isolé du reste de la planète, les glaciers sont les seuls à ne pas reculer avec le réchauffement climatique. La plupart du paysage est vide. Pas d'activité humaine ou si peu. Des ports se dessinent le long de côte, ultimes refuges pour les marins, qui se mélangent aujourd'hui avec des touristes, des randonneurs, des aventuriers en quête de conditions extrêmes. Faut dire qu'il y a un terrain de jeu incroyable et riche en piton rocheux couvert de glace. De belles promenades en contrebas pour mieux admirer la nature se déchaîner de toute sa force. On se sent petit. On se sent inexistant pour cette terre. Personne n'a encore vaincu ce coin de la planète, on reste humble, c'est mieux comme ça. Alors on sort pour se mettre en plein milieu du vent, de la pluie, de la grêle, du soleil, des nuages et du brouillard, on se met à tourner autour de nous pour avaler une véritable bouffée pure. On se sent vivre fortement et on est heureux de se mélanger avec les éléments tout simplement.
Patagonie, Octobre 2016.
Les silhouettes de fumées
Entracte
Je ne connais pas cette ville. Mais à chaque fois que j'ai transité par Sao Paulo, ça a merdé. La dernière fois c'était pour aller à Santiago. Cette fois-ci, malgré ma méfiance (bizarrement je le sentais que ça allait merder), on n'a pas eu le droit de monter dans notre avion pour Buenos Aires. Oui. On n'a pas eu le droit. On était pourtant devant le comptoir pour l'embarquement. Mais il fallait que ça merde. Pour expliquer le truc, faut revenir quelques heures en arrière, le décollage depuis Paris a pris du retard, et les pilotes avaient voulu bien faire en prévenant que notre arrivée à Sao Paulo serait retardée. Du coup... et bin du coup nos places pour Sao Paulo-Buenos Aires ont été revendues entre temps. Comme ça. Alors nous, on savait pas, on a couru comme des dératés dans l'aéroport (parce que oui, la correspondance nous faisait changer de terminal, sinon c'est facile) et on a réussi à l'atteindre cette foutue salle d'embarquement avant le décollage! Mais non, rien à faire, places revendues, donc nous, plus de places. Tout ça le soir histoire de voir se profiler la nuit dans l'aéroport. Je passe les incessants aller-retour pour récupérer nos bagages, voir si une compagnie est encore ouverte, gérer avec la sécurité et éviter de devoir repayer un billet pour le lendemain... une belle nuit donc dans l'aéroport de Sao Paulo. Après négociation (heureusement qu'on était pas seul et qu'une espagnol faisait le même trajet que nous histoire de mieux gérer les communications orales et par téléphone... plutôt complexes...) on a réussi à avoir un autre avion pas trop tard dans la journée pour Buenos Aires. Les voyages en somme. Et je n'aurais toujours pas vu le joli visage de Sao Paulo.
Buenos aires
Rien ne vaut une arrivée en avion dans une ville aux parfums exotiques. Et notre arrivée à Buenos aires fut à la hauteur de mes attentes... On volait dans les nuages à ne plus comprendre à quelle altitude on pourrait être. Et puis comme ça, pouf, sans prévenir, le sol apparaît, le soleil profite de cette percée pour engouffrer ses rayons lumineux. La baie se met à briller et les couleurs se lancent dans un bal complexe, l'eau est d'ôcre, la végétation d'un vert foncé se mélange dans les eaux et puis la ville apparaît avec toute ses nuances ténébreuses. On atterri carrément entre les immeubles et baie. Pour l'immersion, c'est réussi. On est arrivé en Amérique latine.
Patience
Après l'agitation de la ville, un petit survol de la pampa argentine, nous sommes arrivés à El Calafate, et la Patagonie nous a dit bonjour avec son plus beau visage : un soleil radieux pendant quelques heures, des nuages dans toutes ses nuances de gris, blanc, noir, balayés par le vent sans interruption. Une belle journée de printemps en gros avec son petit 10° au max. Après quelques jours, on a compris très vite la règle d'or pour espérer arriver à nos fins dans ces régions... avoir de la patience...
Tout individu qui transite dans ces terres se verra pris d'un besoin de voir ce que masque les nuages permanents, voir les petits trésors masqués derrière ces rideaux de fumée.
Alors pour avoir le droit à quelques seconde de joie et de sentiment d'accomplissement, il faudra se battre contre le temps en attendant qu'il décide de changer. On a eu beaucoup de chance en allant à El Chalten (la montagne de feu littéralement), on a eu le droit à une désertion de poste de la part de tous les nuages pendant deux jours. De quoi profiter pleinement des fameux pitons rocheux : Cerro Torre et Fitz Roy. Ils sont restés droit et fier pendant que nous les contemplions à l'infini. Le troisième jour, les nuages se sont dits que ça suffisait comme ça, alors sans qu'on demande notre avis, ils sont vite revenus masquer les sommets pudiques. Et on a attendu. Oui, parce que ce jour là, on avait trouvé un joli endroit avec une vue dégagée sur l'ensemble du massif. On a été patient.
Alors au bout de longues minutes dans le froid, quelques nuages se sont dit qu'ils pouvaient aller voir ailleurs au cas où... Ça n'a duré que quelques secondes, une minute tout au plus, l'effet est garanti, tant d'attente récompensé, c'est fabuleux. On a eu le droit à notre beau panorama juste pour nous. On a remercié les nuages et sont aussitôt revenus couvrir les sommets... j'ai cru apercevoir un clin d’œil dans les formes mouvantes...
Tempête (1/3)
Une longue journée de route depuis El Calafate, un passage de frontière qui s'est finalement passé sans trop d'accroc. A croire qu'argentins et chiliens s'entendent mieux qu'entre chiliens et boliviens... La route se termine en fin d'après midi, face à la mer coté pacifique, dans la petite ville de Puerto Natales. Tout le monde descend. Peu de locaux, beaucoup de gaillards qui se lancent leur grands sacs dans le dos et filent vers le centre ville. Autant de randonneurs avertis qui nous annoncent qu'on ne s'est pas trompé d'endroit. Quelque part autour de cette ville doit bien se trouver des pitons rocheux, des glaciers et de quoi s'amuser pendant des semaines! Seul un couple de chilien nous attend à la sortie du terminal de bus pour nous proposer une chambre. Je me souviens d'il y a 10 ans auparavant, plus haut dans le Nord du Chili, ils étaient des dizaines à nous proposer un logement à la descente du bus. Seulement avec internet, il devient trop facile de réserver la veille depuis sa chambre d'auberge de jeunesse... Alors il y a moins de monde pour nous accueillir, moins de contact avec la population locale... On se sent un peu seul, avec cette grisaille, ce vent encore fort et la nuit qui tombe... On file alors comme les autres touristes, vers notre auberge de jeunesse... tout le monde change...
Le lendemain on prend nos marques et nos billets pour un grand moment de communion avec la Patagonie, deux billets de bus qui vont nous emmener jusqu'au parc des Torres del Paine. Partout dans Puerto Natales, on trouve des affiches des ces fameuses Torres, des magasins d'équipement de montagne, des restaurants servant burgers et plats veggies pour les touristes... le vieux port ne vit plus de sa pêche et a bel et bien tourné le dos à ses traditions pour surfer le plus longtemps possible sur la vague du tourisme. Qui peut juger? On croise encore des restes de bateaux, jadis baleiniers, une autre époque faste pour ces habitants maintenant révolue.
Le surlendemain on part pour les Torres. Il y a un film américain dans le car. Sans le son. Mais c'est un film d'action alors on comprend ce qu'il se passe. Et puis avec le jour qui se lève on regarde par la fenêtre... Une longue plaine, des nuages lourds chargés de pluie, et au fond un massif sombre... les Torres del Paine seraient cachées la-dedans? Je me force à imaginer la géographie, j'essaie de les deviner. Mais non, la masse est trop loin et trop grossière pour voir de fines tours rocheuses...
On fini par arriver dans le parc au bout de quelques heures. Tout le monde descend, et chacun prend sa route, et nous voilà dans un terrain de jeu immense qui promet de belles rencontres! Peut être même un puma, qui sait... En attendant on a rendez-vous avec un bateau pour aller directement au pied d'un refuge en coupant par un lac. Ce refuge sera notre première étape. On est venu pour faire le fameux 'W', un trek de plusieurs jours au milieu de ce massif. Et le temps est au rendez vous... La pluie nous fouette le visage, on s'équipe contre l'humidité, on protège nos sac... en croisant les doigts pour ça suffise.
Et puis première rando en direction du glacier Grey... la pluie s'intensifie, on ne voit plus qu'à 10 mètres devant nous. On ne voit plus rien, le vent est de face. Ca devient terrible... De la grêle s'invite, il ne manquait plus qu'elle, on ne sait plus au bout d'un moment ce qui tombe du ciel, et le ciel justement, on comprend plus où il se trouve, on a l'impression d'être en plein dans le nuage que la neige, grêle et pluie se créent instantanément et nous bombardent sans sommation... On hésite à faire demi-tour, on ne comprend plus vraiment l'intérêt de ce genre de promenade... On croise deux gars, qui nous disent que le glacier se trouve à encore bien une heure de marche... On hésite... Et puis on se dit qu'on essaie d'avancer encore un peu. On repart. Lentement. On persévère. A un moment, on a l'impression de se retrouver au sommet d'un col, le chemin commence à redescendre. Le vent devient encore plus fort, impossible de marcher correctement. On se regarde, tant pis pour le glacier, c'est plus possible, la fureur patagonienne a gagner...
Peut-être est ce par ce qu'on voulait abandonner, peut-être était ce un test, mais au moment de rebrousser chemin, les nuages commencent à remonter, le ciel s'éclairci et petit à petit on voit apparaître le chemin, le décors autour et puis en l'espace de quelques minutes comme par magie, tout est devenu clair, le soleil est apparu pour mieux nous faire profiter un panorama incroyable : le chemin continue de descendre à pic sur des blocs rocheux humides, un bras de mer sur la gauche en contrebas se poursuit vers l'horizon jusqu'au pied un long et majestueux glacier au reflets bleu cobalt... des morceaux de glaces dérivent lentement avec d'autres nuances de bleu plus profond. Notre cadeau. On avait compris pourquoi on n'avait pas abandonné, on était venu pour ce spectacle, pour affronter les intempéries et avoir une belle récompense. Même si déjà une nouvelle vague de nuages arrivent, on gardera le glacier Grey à vue jusqu'à la fin de la rando...
Et puis comme si le fait de voir ce paysage avait quelque chose de sacré ou d'interdit, l'humidité a décidé de faire taire mon appareil photo pour de bon...
Un deal en quelque sorte. La vie est rude par ces latitudes...
Tempête (2/3)
Le surlendemain on part pour les Torres. Il y a un film américain dans le car. Sans le son. Mais c'est un film d'action alors on comprend ce qu'il se passe. Et puis avec le jour qui se lève on regarde par la fenêtre... Une longue plaine, des nuages lourds chargés de pluie, et au fond un massif sombre... les Torres del Paine seraient cachées la-dedans? Je me force à imaginer la géographie, j'essaie de les deviner. Mais non, la masse est trop loin et trop grossière pour voir de fines tours rocheuses...
On fini par arriver dans le parc au bout de quelques heures. Tout le monde descend, et chacun prend sa route, et nous voilà dans un terrain de jeu immense qui promet de belles rencontres! Peut être même un puma, qui sait... En attendant on a rendez-vous avec un bateau pour aller directement au pied d'un refuge en coupant par un lac. Ce refuge sera notre première étape. On est venu pour faire le fameux 'W', un trek de plusieurs jours au milieu de ce massif. Et le temps est au rendez vous... La pluie nous fouette le visage, on s'équipe contre l'humidité, on protège nos sac... en croisant les doigts pour ça suffise.
Et puis première rando en direction du glacier Grey... la pluie s'intensifie, on ne voit plus qu'à 10 mètres devant nous. On ne voit plus rien, le vent est de face. Ca devient terrible... De la grêle s'invite, il ne manquait plus qu'elle, on ne sait plus au bout d'un moment ce qui tombe du ciel, et le ciel justement, on comprend plus où il se trouve, on a l'impression d'être en plein dans le nuage que la neige, grêle et pluie se créent instantanément et nous bombardent sans sommation... On hésite à faire demi-tour, on ne comprend plus vraiment l'intérêt de ce genre de promenade... On croise deux gars, qui nous disent que le glacier se trouve à encore bien une heure de marche... On hésite... Et puis on se dit qu'on essaie d'avancer encore un peu. On repart. Lentement. On persévère. A un moment, on a l'impression de se retrouver au sommet d'un col, le chemin commence à redescendre. Le vent devient encore plus fort, impossible de marcher correctement. On se regarde, tant pis pour le glacier, c'est plus possible, la fureur patagonienne a gagner...
Tempête (3/3)
Peut-être est ce par ce qu'on voulait abandonner, peut-être était ce un test, mais au moment de rebrousser chemin, les nuages commencent à remonter, le ciel s'éclairci et petit à petit on voit apparaître le chemin, le décors autour et puis en l'espace de quelques minutes comme par magie, tout est devenu clair, le soleil est apparu pour mieux nous faire profiter un panorama incroyable : le chemin continue de descendre à pic sur des blocs rocheux humides, un bras de mer sur la gauche en contrebas se poursuit vers l'horizon jusqu'au pied un long et majestueux glacier au reflets bleu cobalt... des morceaux de glaces dérivent lentement avec d'autres nuances de bleu plus profond. Notre cadeau. On avait compris pourquoi on n'avait pas abandonné, on était venu pour ce spectacle, pour affronter les intempéries et avoir une belle récompense. Même si déjà une nouvelle vague de nuages arrivent, on gardera le glacier Grey à vue jusqu'à la fin de la rando...
Et puis comme si le fait de voir ce paysage avait quelque chose de sacré ou d'interdit, l'humidité a décidé de faire taire mon appareil photo pour de bon...
Un deal en quelque sorte. La vie est rude par ces latitudes...